Jaff Raji une technique apaisée

Cela fait entre 15 et 20 ans, je ne sais plus bien, que je connais Jaff Raji. Mon professeur (voir article sur Philippe Cocconi), m’envoyait systématiquement à chaque début de saison au stage de Jaff en région parisienne. Peu à peu j’ai appris à connaître ce professeur (lire sa présentation sur le blog du Sakura), à apprécier sa technique, à me méfier de sa fausse tranquillité et de ses yeux perçants qui me terrorisaient quand j’étais plus jeune. Je l’ai un peu perdu de vue ces dernières années, ne l’ayant revu que pour la dédicace de son livre « Mitori Geiko » à Paris il y a 2 ans. Ce fut donc un véritable retour aux sources pour moi et une belle découverte pour les élèves belges lors du cours du vendredi soir et du stage du samedi et dimanche matin.
Nous avons travaillé sur des basiques comme la chute, avec une foule d’exercices très intéressants qui permettent de poser le corps, préparer le mouvement, prendre conscience du mécanisme et de ses articulations. Je fus assez émerveillé de voir clairement la maîtrise de chaque articulation – du petit doigt à l’épaule – et la capacité à les bouger indépendamment dans la position statique qui prépare la chute. Plus encore, ce véritable cours sur la chute était parfait pour les débutants, tout en donnant toutes les clés et astuces pour les enseignants. Voilà qui a répondu exactement à un manque que j’avais pour transmettre certains détails dans la compréhension de la chute. À croire que Jaff l’a fait exprès pour Arnaud et moi. Mais non, même pas. Son message était simplement à différents niveaux et a pu nourrir chaque participant. Voilà une première preuve, si besoin en est, d’un grand pédagogue.
Nous avons poursuivi par des techniques très simples, comme shihonage, où il a insisté sur l’angle d’entrée et aussi le respect de la coupe au sabre, qu’il a immédiatement montré avec son assistant Raphaël. Après quelques corrections sur mes hanches, je me suis senti plus à l’aise pour l’exécution finale de la technique. En regardant les élèves, je me suis aperçu qu’ils progressaient bien vite et étudiaient avec cœur, ce qui m’a fait plaisir, surtout parce qu’une majorité d’entre eux sont vraiment des débutants. L’esprit de l’étude soufflait bien sur le tatami.
Là où je suis resté admiratif de la technique de Jaff, c’est sur le travail aux armes. J’ai pu constater son évolution et j’ai mieux compris la tranquillité de son travail à mains nues. En effet, il y a 15-20 ans, Jaff était très rapide, un peu emporté parfois, explosif même. Cette fois-ci, rien de tout cela. Le calme l’emporte sur la technique dans ses mouvements, et malgré la vivacité de Raphaël, il semble se déplacer sans précipitation. Les placements sont toujours dans le temps et rien ne semble le bousculer. Le mouvement est limpide, que ce soit au jo ou au bokken, et il donne l’impression de ne pas être pressé pour donner la réponse à une attaque. Je sais par expérience que cette capacité est le signe d’une grande maîtrise du ma-aï (distance espace-temps), et j’ai sifflé (intérieurement) de plaisir. Croire que ce calme et cette apparente décontraction est un le signe d’un ralentissement du corps est une erreur. Une correction vive et douloureuse pour le poignet d’Arnaud en témoigne. Nous n’avons rien vu partir.
Ce stage m’aura donné très clairement la sensation que Jaff a épuré sa technique et surtout l’a apaisée. 6 heures de travail plus tard, on ne s’en est pas lassé. Bonne nouvelle. Il revient l’année prochaine aux mêmes dates. Avis aux amateurs.
———
Pour aller plus loin avec Jaff, consultez son site et découvrez son ouvrage Mitori Geiko, qui vaut vraiment le détour.
Crédits photo : Karim Alaoui