Kenjutsu : histoire de l’école Shinkage-ryû

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Kamiizumi_statueNombreuses sont les écoles de sabre japonaises dont la tradition se perpétue encore aujourd’hui. Mais au-delà des noms, les pratiquants de Iaïdo, Kendo ou encore Kenjutsu, ne savent que peu de choses sur l’histoire de ces écoles. Voici l’une des plus fameuses écoles, ou plutôt dpue son fondateur, Kamiizumi Nobutsuna.

Kamiizumi est né aux alentours de 1508, dans le château familial des Hidetsuna, dans la province de Kôzuke. Sa famille était au service de la branche des Yamanouchi du clan Uesugi et avait titre de petit seigneur local. Au moment de sa naissance, la province de Kôzuke était convoitée par les clans Uesugi, Hôjô, et Takeda. Entre 13 et 14 ans, il fut éduqué par un vieux maître de Bouddhisme Zen, du nom de Tenmyô et initié à la philosophie asiatique, chinoise notamment. Il partit ensuite dans la province de Shimosa (aujourd’hui, préfecture de Chiba), et commence à étudier les écoles de sabre Nen-ryû et Shintô-ryû. Il faut dire qu’à cette époque, un jeune homme bien né n’avait pas beaucoup le choix de ses études, et le sabre était prédestiné aux enfants de la noblesse, petite et grande. Un peu plus tard il alla dans la province de Hitachi (actuelle préfecture de Ibaraki) pour y étudier le sabre du style Kage-ryû. Il n’est pas facile de savoir qui furent ses maîtres, car à la fin de sa vie, il consigne les débuts de son art du sabre par son propre nom, fondant ainsi sa propre école. Mais nous y reviendrons plus tard. Toutefois on retrouve son nom dans le lignage de l’école Jikishinkage-ryû, où il apparaît comme numéro deux, ainsi que dans celle de l’école Hikita Kage-ryû, où il occupe la seconde ou troisième place après Aiku Ikôsai. Toutefois, il est souvent admis dans l’école Yagyû Shinkage-ryû que Kamiizumi Hidetsuna reçut l’enseignement complet de l’école Kage-ryû par Ikôsai lui-même, dès l’âge de 23 ans. Enfin, quelques années plus tard, il apprit l’art de la stratégie selon les préceptes d’alors, largement influencés par l’Art de la Guerre de Sun-Zi, ainsi que l’art de la divination entre les mains de Ogasawara Ujitaka. Une chose est sûre, car consignée dans les rouleaux Empi-no-Tachi que Kamiizumi Hidetsun donna à son élève Yagyû Muneyoshi, c’est qu’il étudia bien les écoles Nen-ryû, Shintô-ryû et Kage-ryû, puis qu’il créa dans le milieu des années 1530 son propre style de sabre, le Shinkage-ryû (l’école de la nouvelle ombre).

samouraiEn 1555, Kamiizumi Hidetsuna commande le château de Ogô. Cette même année, Hôjô Ujiyasu attaque le château afin d’agrandir son territoire. Il se rendit sans combattre et rejoint les rangs de son agresseur. Mais la même année, Uesugi Kenshin attaqua l’ouest de la province de Kôzuke, et il quitta aussitôt les Hôjô et les combattit hors de la province, aux côtés du clan Uesugi. Pour qui n’est pas habitué de l’histoire japonaise, cela peut passer pour de terribles traîtrises, mais il n’était pas rare à l’époque que chaque seigneur mène sa barque et retourne sa veste autant de fois que nécessaire. Rien d’inhabituel donc. Kenshin nomma Nagano Narisama comme gouverneur de la province et Kamiizumi devint rapidement l’un des fidèles du nouveau pouvoir. Il connut quelques batailles et son courage se démarqua notamment lors de l’attaque du château de Namanaka. On dit alors de lui qu’il est le meilleur sabreur de la province de Kôzuke.

Plus tard il connut des défaits et d’autres victoires et eut une vie de combattant bien remplie, se battant la plupart du temps contre Takeda Shingen. C’est en luttant contre ce grand seigneur de la guerre que la légende Kamiizumi commença. Il lutta pendant sept ans contre lui, défendant le château de Minowa sous les ordres de Nagano. Après la mort du vieux seigneur Nagano, il continua sa défense de la province, sous les ordres du fils Narimori Nagano qui lui s’occupe du château, et ce malgré des troupes ennemies très largement supérieures (20.000 hommes pour les Takeda). La fougue du jeune Narimori ouvrit une brèche dans la défense du château lors d’une contre-attaque de sa part où il s’éloigna trop loin. Les Takeda s’emparèrent alors le château et la province. Kamiizumi se rendit également, mais devant la bravoure de cet homme, Takeda Shingen lui demanda de rejoindre ses rangs. Il déclara alors « Comment pourrais-je, moi qui ne veux même pas servir le seigneur Shingen, servir un autre seigneur. Je n’ai pas d’autre intention que celle de m’entraîner plus avant et de perfectionner mon art du sabre ». Admiratif, Takeda Shingen lui fit don de l’un des deux premiers kanjis de son nom. C’est ainsi que Kamiizumi Hidetsuna devint Kamiizumi Nobutsuna.

Rencontre avec Yagyû Muneyoshi

Après être entré au service de Nagano, Kamiizumi fit de nombreux voyages à la capitale, Kyoto, où il rencontra Marume Nagayoshi, un jeune homme plein d’entrain à qui il enseigna son style, le Shinkage-ryû. Lors de l’un de ses périples vers Kyoto, il croisa également la route d’un autre jeune homme prometteur, Yagyû Muneyoshi, dont le nom va rester célèbre par la suite. Il va rester dans son village pendant quelques six mois avant de repartir pour la capitale. Kamiizumi et son disciple Marume firent alors une démonstration au Shogun, Ashikaga Yoshiteru. Le Shogun, très impressionné par le style Shinkage et par la performance du jeune Marume, écrivit un certificat déclarant que l’école de Kamiizumi Nobutsuna était inégalée sur cette terre. Il devait alors quitter sa province pour venir s’installer à Kyoto et enseigner son art aux nobles de la cour du Shogun. Celui-ci vint finalement en 1570. Il s’installa pendant deux ans chez un conseiller proche du Shogun, un certain Yamashina auprès de qui il prit service. A cette époque il fut connu sous le nom de Kamiizumi Musashi-no-kami Nobutsuna, ou encore Ôgo Musashi-no-kami.

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En 1572, il retourna au village Yagyû, puis retourna dans l’est du Japon avec une lettre d’introduction de la main de Yamashina pour le clan Yuki dans la province de Shimosa. Enfin la dernière trace que l’on a de lui est un enregistrement dans les archives du temple Seirinji, un temple bouddhiste Soto, que Kamiizumi aida à construire en 1577. Le temple existe toujours à Maebashi, dans la préfecture de Gunma. On ne sait pas trop quand il mourut, certains disent en 1572, ce qui serait en contradiction avec les archives du temple. D’autres disent en 1577 dans le village Yagyû, mais la famille Yagyû n’a aucune trace de son décès sur ses terres. Un document de l’école de Ju-jutsu Kiraku-ryû de la province de Gunma, déclare qu’il serait mort en 1577 à Odawara. Peu importe.

Influences de Kamiizumi sur le kenjutsu

Peu importe l’année ou le lieu exact de sa mort, car il avait déjà diffusé son art à de nombreux élèves. L’école Shinkage-ryû eut un tel impact à l’époque, tant le talent de Kamiizumi Nobutsuna était réel et son expérience du combat indiscutable, que les branches issues de son école furent nombreuses : Yagyû Shinkage-ryû, Jikishinkage-ryû, Kashima Shin-ryû, Taisha-ryû et Komagawa Kaishin-ryû. Voilà qui éclaire un peu plus sur les origines de ces écoles dont certaines sont aujourd’hui encore bien connues.

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Kamiizumi Nobutsuna  est également très connu dans le monde du Kendo, car il est populairement admis qu’il fut l’inventeur du shinaï, ce sabre composé de quatre lames de bambou, afin que les pratiquants d’une école puissent travailler à fond sans risque de blessures mortelles. La première trace écrite d’un duel au shinaï remonte d’ailleurs à son époque. En effet, à l’invitation des moines guerriers du temple Hôzô-in, Yagyû Muneyoshi devait se battre contre le neveu de Kamiizumi Nobutsuna, Hikida Bungorô. Muneyoshi n’en était pas à son premier duel et était un bon bretteur. Néanmoins, il prit plusieurs coups de shinaï sans pouvoir en placer un seul. Il dut reconnaître sa défaite, mais il reconnut surtout l’efficacité de l’école Shinkage. C’était en 1563. La même année il rencontra Kamiizumi Nobutsuna et lui demanda de devenir son élève. Après deux ans d’entraînement intensif, Kamiizumi Nobutsuna le désigna comme son successeur à la tête de l’école Shinkage-ryû.

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Ce sabreur formidable que fut Kamiizumi Nobutsuna a inspiré non seulement ses contemporains, mais également le plus grand des cinéastes japonais, Akira Kurosawa. En effet, on raconte qu’alors qu’il se rendait au temple Myôkoji, à Ichinomiya, dans la préfecture de Aichi, un fou avait capturé un enfant. Kamiizumi se rasa alors la tête et emprunta à un prêtre un kesa (habit traditionnel des moines aussi appelé robe bouddhique). Il se présenta auprès du ravisseur avec quelques boules de riz dans un bol et sans arme. Il utilisa le riz pour que le fou baisse sa garde et là, il se saisit de son sabre et le tua. L’enfant fut libéré sain et sauf. Cette scène se retrouve au début du célébrissime film « Les sept samouraïs », que je ne peux que vous conseiller de voir ou revoir.

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« Même si quelqu’un est considéré comme doué dans les arts martiaux, s’il conserve la moindre mauvaise pensée, comment pourrait-il accomplir l’immortalité de son esprit ? » Kamiizumi Nobutsuna.

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Ivan Bel

Depuis 30 ans, Ivan Bel pratique les arts martiaux : Judo, Aïkido, Kenjutsu, Iaïdo, Karaté, Qwankido, Taijiquanet Qigong. Il a dirigé le magazine en ligne Aïkidoka.fr, puis fonde ce site. Aujourd'hui, il enseigne le Ryoho Shiatsu et la méditation qu'il exerce au quotidien, tout en continuant à pratiquer et écrire sur les arts martiaux du monde entier.

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